L’arbre est un homme, l’homme est un arbre.




L’arbre. Depuis ma deuxième année aux Beaux-Arts, l’arbre est au centre de mes recherches. Au commencement j’ai glané des vieux morceaux de bois morts rongés par les insectes xylophages, intrigué par le dessin des galeries qu’ils creusaient.


J’ai stocké longtemps ces bois (…). Plus tard j’ai exposé le travail de sculpture de ces insectes. Les gros morceaux de bois ainsi sculptés étaient amenés à disparaître, réduits à l’état de poussière.


Au cours de balades en forêt, il y eut les rencontres avec des souches que je déterrais et ramenais à l’atelier. Une de ces souches fût exposé au jardin des plantes de Sotteville-lès-Rouen. Elle est le creuset qui fût à l’origine d’une série de dessins présentée à mon diplôme de fin d’étude (Diplôme National Supérieur Expression Plastique). Ces dessins étaient les premiers d’une série qui me préoccupe toujours. Ils présentent les relations entre le végétal et l’humain, le sang et la sève, la verticalité et l’horizontalité. L’homme est un arbre, l’arbre est un homme. Un hêtre parmi les êtres…


L’arbre m’intéresse tout particulièrement par sa structure en miroir. Son côté aérien visible, son côté souterrain caché, ses ramifications en forme de réseau vasculaire ; l’aspect entrelacé de la terre tendu vers le ciel ; le cycle auquel il est lié, sa mythologie, sa présence depuis toujours dans l’iconographie en font le principal sujet de mes recherches. Les jeunes arbres sont autant d’espoir de laisser aux générations futures des arbres remarquables. L’arbre nous fournit le papier de nos livres ainsi que le bois pour la charpente de nos maisons ; il nous permet de nous chauffer ; il nous permet de respirer. Nous nous abritons de la pluie sous ses feuilles. IL est le témoin des saisons. Le temps qui passe s’inscrit en lui dans les cernes de croissances. IL est capable de repousser autour d’un corps étranger ou  lorsqu’ on lui coupe un membre. Mais il perd son côté rassurant lors des tempêtes. IL peut devenir meurtrier. Qui n’a pas été ému devant le spectacle d’un arbre déraciné ?


Maintenant je glane des branches le plus souvent de hêtre. Je les regarde en cherchant des formes qui m’intéressent, formes de bassin, de bras de genoux, de jambes. Je les ramène à l’atelier où elles sont stockées parfois durant de longues périodes, souvent  j’oublie les formes que j’y avais vues. Ensuite c’est une redécouverte et un approfondissement avec le travail de dessin, ou de sculpture qui commence.


Les dessins me viennent souvent juste avant de m’endormir. Je fais de petits croquis ou bien je note une phrase pour ne pas les oublier. Parfois les dessins me viennent en regardant des spectacles de danse. Une fois par exemple un dessin m’est venu alors que je ramenai une grande branche. Cela faisait un ou deux kilomètres que je tirais la branche ; je ne sentais plus mon bras ; j’avais l’impression de tirer ma main lourde  sur le sol.


L’effort m’intéresse aussi. Parfois dans mes dessins il y a un certain rapport à l’effort physique. Porter, se faire porter, porter un enfant, porter son bras qui est devenu un arbre, pousser quelqu’un ; pousser un arbre, pousser comme un arbre… L’effort c’est le souffle essoufflé, être à la limite de la rupture, s’entendre respirer en être conscient prendre conscience que cela est précieux. 


Je cultive aussi un certain rapport à l’écriture dans lequel j’associe l’homme à la nature et à l’arbre plus particulièrement, les textes sont parfois présentés en regard avec les dessins. Il s’agit là d’un langage complémentaire du graphisme et de la sculpture, jouer avec les sonorités comme une ligne dans un dessin.
Dans mes dessins et mes textes il y a un certain rapport au corps. Celui-ci  est en premier lieu mis en jeu pour aller à la rencontre des arbres et des branches en forêt ou dans les bois. C’est lui qui traîne les branches jusqu'à l’atelier et par conséquent je ne peux ramener des branches ou des morceaux d’arbres trop lourds pour moi. De cette façon il y a une certaine proportionnalité entre mon corps et le corps de l’arbre. Et plus tard c’est main qui a charrié l’arbre qui le trace, le sculpte, le dessine … L’Homme est souvent dans l’iconographie associé à l’arbre c’est dans cette lignée que mon travail se situe. Dans la mythologie Daphnée se transforme en arbre…  Ne parle-t-on pas de tronc aussi pour le corps humain ? Le langage populaire fait référence aux arbres parfois « Robuste comme un chêne » J’imagine le corps comme un compost fertile qui serait propice à recevoir la semence d’un arbre aux hasards  des vents, d’un être pourrait pousser une excroissance pour faire quelques ramifications et devenir un hêtre. Pour moi l’homme et l’arbre ont tous deux un fluide vital, ces deux fluides sont des énergies qui sont associées à des couleurs le rouge et le vert : couleurs complémentaires. Le sang ; la sève. Dans la représentation scientifique du système vasculaire et pour le parcours de la sève deux couleurs sont aussi représentées. Sang chargé d’oxygène et sang chargé de dioxyde de carbone / sève brute et sève élaborée. Le corps est intiment lié au sol et ciel tout comme l’arbre. Tous deux ont un certain rapport à la verticalité, par opposition l’horizontalité est synonyme de mort pour l’arbre et pour l’homme le sommeil de la raison  n’engendre-t-il pas des monstres ? Le corps je l’observe au cours de spectacle vivant... Au début mes figures n’étaient que des signes. Au fil du temps j’ai utilisé la photographie pour fixer des poses que j’imaginais ; parfois l’homme que je dessine me ressemble.